• Sicut leo rugiens

     

    Sicut leo rugiens

    Porte d'Ishtar - Babylone                         

    ... sicut leo rugiens circuit quaerens quem devoret

     

    J'étais pensionnaire dans une école bien catholique, j'y ai fait de bonnes études, j'y ai appris le silence et la rêverie et aussi le latin. On l'utilisait pour les offices, on chantait le Grégorien, j'y ai appris la chironomie, l'art de diriger un chœur par le mouvement de la main, il y a des diplômes dont je suis fier, pouvoir placer dans un CV à côté du latin et du grec : diplôme de photographie scientifique de l'université de Rangueil, et diplôme de chironomie grégorienne, ça facilite le démarrage des entretiens.. Une phrase m'a hantée très longtemps, qu'on récitait ou chantait dans je ne sais plus quelle occasion, sicut leo rugiens circuit quaerens quem devoret, comme un lion rugissant cherchant qui dévorer. J'ai craint les griffes et les crocs de cet invisible ennemi qu'est le diable et il a habité quelques rêves angoissés. Depuis je sais que la phrase complète commençait par : « sobrii estote.. ; » soyez sobres et vigilants. Je ne sais pas pourquoi mais le « sobre » ne m'a jamais hanté. Je ne peux toutefois voir un lion sans retrouver cette forme de sainte crainte devant une menace imprévisible mais latente d'un ennemi qui rôde, qu'on ne voit pas mais qui doit être là. Je n'imaginais pas que ce lion pourrait prendre la forme d'un virus.

     

    Des lions gentils, ça existe peu, mes enfants ne se lassaient pas de ce lion de Cléopââââtre, le roi des animaux, courageux comme 4, mais pour l'esprit alors là zéro – bah ouah ah la la la ouahhhh ! Il n'y a que dans les fables qu'on peut imaginer lui rogner les ongles et limer les dents, mais a-t-on jamais vu lion amoureux ? Ou sauvé par un rat qu'il avait jadis épargné ?

     

    Dans le tétramorphe, le lion a des ailes, c'est Saint Marc, il témoigne de l'importance de Venise. Richard en avait le cœur, mais c'est pour souligner son caractère imprévisible.

     

    Je n'ai gardé de la porte d'Ishtar de la cité de Babylone, reproduite au Pergamonmuseum de Berlin, que ce lion magnifique. Il suggère toute la puissance, il en impose, c'est le roi et sa figuration.

     

    J'en ai mis un sur le capot de ma voiture, mais je ne me sens pas pour autant le roi de quoi que ce soit. C'est vrai, je ne suis pas le seul à rouler en Peugeot.

     op. 71     31/05/2020