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Adam confiné au musée
Adam confiné au musée.
En montant l'escalier du musée des beaux arts de Nice on tombe sur cette statue d'Auguste Rodin : une académie masculine grandeur nature en bronze prenant la lumière d'une grand baie vitrée. Un homme debout en marche, libre, épanoui, une sorte de premier homme, d'Adam innocent, beau comme un Dieu, en tout cas certainement à son image.
Dans ce décor de musée, un gardien s'échappe vers une autre salle, nouvel Adam d'après la faute, vêtu, frustré, résigné.
L'histoire aurait pu s'arrêter là. A l'époque, j'étais en train de lire « la première femme nue » de Christophe Bouquerel qui raconte l'histoire de Phryné, hétaïre subversive, maîtresse et modèle de Praxitèle, traînée en justice pour avoir introduit à Athènes une religion nouvelle, sauvée par sa beauté comme une preuve d'innocence. Le tableau de Jean-Léon Gérôme de Phryné, dénudée par son avocat devant les juges de l’aréopage comme dernier argument de sa défense, traînait dans mes livres scolaires et s'était gravé dans ma mémoire d'adolescent. Et je venais justement de photographier ce tableau à Hambourg. J'en ai donc extrait Phryné, pour la situer dans l'image.
Elle n'est pas de bronze, mais de chair ; elle se sait regardée, elle semble se cacher, de honte feinte, pour mieux se dévoiler.
Transposée ici, ce n'est plus du tout la même histoire, en face de ce bel Adam, elle devient comme une sorte d'Eve ; nue, mais le sachant ; ses juges ne sont plus là pour l'innocenter.
...L'Histoire commence, la genèse en quelque sorte, la nôtre.
J'en tire aujourd'hui une autre leçon . L'opinion a remplacé l'aréopage et les jugements de cour, elle cherche des coupables et les montre du doigt : Les puissants sont misérables. On les veut nus, ils ne doivent plus rien cacher. La transparence est de mise, elle n'est cependant pas l'innocence. Pendant ce temps, Le covid nous fait la guerre et enrichit l'Achéron chaque jour davantage. Adam était bien confiné dans son vert paradis. Pourquoi n'est-il pas resté chez lui ?