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Madeleine
retable d'Issenheim – Colmar
Rien dans les évangiles ne rapporte les paroles de Marie, pas davantage celles de Marie-Madeleine.
Elles ne disent rien, elles ne se disent rien. Murées dans un silence de douleur, dans l'incompréhension de ce qui leur arrive. Lui qui guérissait les malades, rendait la vue aux aveugles, ressuscitait Lazare, on l'a cloué sur deux bouts de bois. Elles en ont les boyaux tordus, il est même probable que les larmes ne puissent plus couler, la détresse, ça dessèche.
Ça ne les empêche ni de penser ni d'avoir des émotions. Marie, sans doute, se redit constamment le refrain qui a conduit toute sa vie : « je suis la servante du Seigneur » et cela sonne douloureusement dans le clocher de son cerveau. Heureusement il y a Jean et Joseph qui font ce qu'il faut faire, elle ne le sait pas et ne saurait pas le faire non plus, on lui mettra sur les genoux ce grand corps d'homme qu'elle a tenu petit dans ses bras, corpusculum. Débrouille toi avec ça !
Quant à Madeleine, elle a sous les yeux les pieds déchirés qu'elle avait
parfumés et séchés de ses cheveux. Elle souffre, elle veut souffrir comme
lui, partager sa mortelle douleur. Mathias Grünewald l'a bien compris, il a le
génie des peintres qui doivent mettre en image ce que personne n'arrive à
dire. Vous avez vu les mains de la Madeleine, impensable qu'elles soient
ainsi mais elles sont ainsi. C'est pourtant simple et clair, prenez les mains
du Christ, rassemblez-les, croisez-les, vous avez les mains de la
Madeleine. Si le Père l'a abandonné, Madeleine ne l'abandonnera pas. Elle
est là.
Dans trois jours , elle sera la première à le revoir.
Pieta - Musée de Francfort.
Cette page a été inspirée par le très beau livre que Madeleine vient de publier sur les PIETA CORPUSCULUM.
op 73 02/06/2020