Aubette

 C'est un mur d'une salle de l'Aubette. Mais sans le plafond,le plancher, les fenêtres, les portes, est-ce encore un mur ? Je l'ai reconstruit à ma guise, j'y ai même ajouté ce petit liseré rouge tout à fait inopportun mais qui délimite le champ de mon action.

La tendance aujourd'hui est de respecter le réel. Je ne suis pas tendance. La tendance aujourd'hui n'est pas à l'esthétique, je ne suis pas tendance. Je considère plutôt le réel comme le musicien considère sa partition. On peut en jouer toutes les notes ou pas. On peut seulement jouer les notes. On peut aussi interpréter, c'est à dire y mettre un peu du sien. Loin de moi l'idée que ce qu'ont réalisé Arp, sa femme et Van Doesburg ne mérite pas le plus grand respect. Leur projet est admirable et leurs ambitions magnifiques : "guérir l'homme de la folie furieuse de ces temps" en décorant un lieu à vivre selon un nouvel art de vivre. Aussi adoptent-ils un vocabulaire élémentaire abstrait. Le non figuratif abstrait comme aventure esthétique. Une utopie évidemment ; mais en ces temps de misère et pas très optimistes, cette utopie là me plait.

 Finalement, j'aime bien le désordre aussi

Si ce n'est plus un mur, alors, qu'est-ce que c'est ? C'est devenu pour moi le contraire d'un mur, un mur qu'on peut pousser et repousser, sur lequel on peut faire pousser les fruits de l'imaginaire. Je me suis amusé à remplir ces surfaces bien cadrées des fantasmes qui se sont offert une location gratuite dans mon intérieur. Mais ça, c'est personnel, ça ne se partage pas comme ça, alors vous n'avez que la version en vocabulaire élémentaire. Rien ne vous empêche de vous raconter des histoires.

 Sinon, vous pouvez jouer avec les rapports 3 x 4  ; c'est plein de combinaisons possibles. Vous trouverez des regrets de carré, des rectangles innocents et des combats de couleurs. ça peut vous occuper longtemps, j'en sais quelque chose.

Je me suis aperçu en cherchant un peu que beaucoup de créations ont été facilitées par une réclusion volontaire ou imposée. Un seul exemple : La Cité du Soleil, une utopie rédigée en 1602 en prison, par un moine italien : Tommaso Campanella. Passionnant à découvrir. Il est mort un 21 mai, je suis attaché à cette date.

Demain, j'attaque le plafond...

Au moment même où je prenais ces photos, sous les fenêtres, place Kléber, il y avait plusieurs manifs, une contre Erdogan et une autre pour qu'on renonce enfin aux œufs de poules en cage. Les poules confinées, c'est intolérable.

op.81     10/06/2020