• Eve paléolithique

    Eve paléolithique

    j'ai trouvé cette photo sur la page FB de Naissa

    https://www.facebook.com/Na%C3%AFssa-B-Artwork-218489828167509/?fref=ts

     photo K-pture  https://www.facebook.com/Kpture/      Modèle Naïsssa B

     

    Eve paléolithique

     

    Sur la berge de l’ombilic est accroché ce pendentif, un très joli motif, bien mis en valeur, comme une clé à la frontière de l’inconnu, de l’insondable, de l’inaccessible. L’omphalos est dans l’ombre comme un silence anatomique révélant pourtant le centre du monde, le moi initial, la rupture qui fait que l’individu commence à être de façon autonome, personnelle, unique et désormais indivisible.

    Ce ne sont pourtant pas les identifiants de l’individu qui sont ici mis en scène. Le visage est caché et coupé par le cadrage et la composition met en évidence d’autres éléments qui renvoient plus à des désirs inconscients qu’à une personnalité affirmée.

    Tout suggère davantage la naissance de l’humanité que celle du modèle auquel le lecteur pourra s’identifier ou non s’il y reconnait ses propres désirs. Le modèle n’est pas habillé mais il semble plutôt sortir de cette gangue de limon dans lequel il a été façonné, le corps maculé de l’argile  qui l’a élaboré. Est-ce l’idée du photographe, Dieu tout puissant, démiurge inspiré, qui veut davantage créer son œuvre plutôt que d’en saisir une représentation ; ou bien est-ce l’idée même du modèle qui affirme pouvoir ainsi se modeler ou se remodeler selon sa propre volonté et ses propres fantasmes ?

    Les céréales et les baies (épeutre ou groseille peu importe) sont la base de ce cercle que le bras continue et que poursuit le bois sur l’épaule. Au centre, ce très beau corps de femme, aux rondeurs chaleureuses, avec cette courbe qui rappelle le déhanché des vierges gothiques, fragile et vibrant ; une Eve de l’époque paléolithique où l’on était chasseur cueilleur, à l’aube de tous les possibles. Une guerrière qui a vaincu le renne et le caribou et en exhibe le trophée comme une mise en garde, comme une affirmation de son pouvoir.

    Le masque du visage confirme cette appropriation de la force, c’est une déclaration d’énergie ; il ne cache ni ne protège, il revendique l’identification au groupe des chasseurs-guerriers, tout en affirmant haut et fort, avec ce rouge tonitruant des lèvres : je suis une femme. Rouge qu’on retrouve violent sur les ongles de la main droite, délicate, à la posture raffinée, à la fois tentatrice et menaçante, séductrice et agressive. Rouge aussi des fruits qu’on peut cueillir, que la belle a déjà cueillis et qu’il est bien possible qu’elle offre à l’heureux élu, car c’est elle qui choisit.

    Le fond vert de la haie me dérange un peu, justement parce qu’il fait fond et n’est pas suffisamment chargé de symbole. Il pourrait renvoyer à la forêt primitive et sacrée, ce n’est pas tout à fait le cas. Il faudrait plus ou moins… mais ce n’est que très secondaire.

     

    En tout cas cette quadrature du cercle est une belle réussite. La photographie est ici le résultat d’un projet certainement élaboré entre le photographe et son modèle. Derrière ce projet se dessine la volonté d’écrire une réalité et non de la décrire, se profilent également les désirs plus ou moins inconscients, des affirmations claires et des non-dits plus ou moins obscurs. On pourrait se contenter de simplement voir cette photo (on l’aime ou on ne l’aime pas) mais ça ne présente guère d’intérêt et on rate l’essentiel. Cette photo exige une analyse  dans laquelle on risque d’ailleurs de retrouver sa propre image ou tout à fait le contraire. Cette photo ne raconte pas « une » histoire, mais peut-être la sienne, peut-être la mienne, qu’en est-il de la tienne ?

     

    Précision  de Naïssa :

    "On voulait plutôt dénoncer la chasse intempestive comme un loisir alors qu'à l'origine c'était un besoin vital."

    Toujours encombat