• Bonsoir tristesse

    Bonsoir tristesse

    Nu accoudé - Claude Emile Schuffenecker 1885                                    

     

    C'était une huile sur toile – je l'ai volontairement réduite à ce simple croquis. Curieux de voir ce qui restait si on enlevait la couleur, les traits de pinceau de facture postimpressionniste. J'avoue que ce qui reste me suffit...

    Abattue, assommée, brisée, dégoutée, démoralisée, déprimée, écrasée, affligée, anéantie, atterrée, consternée, démoralisée, découragée, dégoûtée, effondrée, épuisée, fatiguée, fourbue, harassée, malheureuse, prostrée, rompue, sidérée, terrassée, triste.

     En cherchant bien on pourrait encore trouver d'autres qualificatifs, mais rien n'est plus parlant que ces quelques coups de crayon qui en disent plus que tous les discours. En plus, ce dessin inspire l'empathie. On a envie de lui toucher l'épaule pour un petit geste de consolation tant il est vrai qu'on ne se sent pas le droit de déranger cette tristesse dont on ignore la cause et dont par conséquent on ne peut connaître le remède.

     Les raisons d'être triste aujourd'hui sont nombreuses, le pot de confiture vide, la merde du chat, la pluie, le vent, la hausse des prix, le bruit des voisins, le réveil qui sonne alors qu'on n'a pas besoin de se lever, la clé qu'on ne trouve plus pour ouvrir cette putain de porte, la batterie déchargée, le pain qui est pas cuit, la glace qui est fondue, l'herbe qui pousse, les oiseaux qui chantent trop tôt, l'aspirateur qui est plein, la vaisselle qui est pas faite, le téléphone pour l’isolation à un euro, le recommandé peu recommandable, le journal qui dit rien, ah si, le 15 on pourra passer en Allemagne, ouf enfin, oui mais à 23h59 seulement. (on nous prend pour des cons)

     Le reste à côté, c'est du pipi de chat (décidément les chats...) les verts qui refusent les compromis pour ne pas faire de compromissions, la vieille socialiste qui n'a pas encore compris qu'elle était vieille, et l'autre joli coeur qui va sauver la ville, la France et la planète depuis qu'il s'est marié avec son vieux copain, son ami, son frère ( DonnerVetter!!!) et le Trump qui veut meetinger, et le Turc qui veut la puissance et la gloire, et le Russe qui rêve d'empire, et le Chinois qui se tapit pour mieux sauter, et l'anesthésiste qui réclame des suppléments d'honoraires exorbitants alors que l'infirmière tire la langue (au chat).

     

    Allez, je m’assois, je baisse la tête, je pose le bras sur l'accoudoir, et je tire un trait.

     

    n 1926 Luc Hueber peint ce nu. On pourrait croire que c'est la même femme ou la même pose que celle de Schuffenecker, Quand je vois l'une, elle appelle l'autre. Et de l'autre je reviens à la première, et je ne sais sur laquelle m'arrêter.

    Bonsoir tristesse

     

     op.85     14/06/2020