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Du balai !
Du balai !
Musée Tinguely - Bâle.
Ces jours-ci, les balais des sorcières sont confinés ; plus de sabbat, plus de repos ; bref, du balai, dans les garages, les cagibis, les arrière cuisines et les greniers. Ça dégage, ça dézingue, ça bazarde. Tous les vestiges de l'oncle Léon, les vieilleries qu'on espérait réparer, les trésors de souvenirs entassés dans les coffres poussiéreux, tout ça attérit sur le trottoir en attente de réouverture des déchetteries. Même ma voisine joue les Marie Poppins, c'est vrai y avait du retard.
J'avais presque envie de faire du Tinguely. Tinguely est né un 22 mai (un jour en retard) et c'était le roi de la récupération, un spécialiste du recyclage, son dada, c'est la sculpture qui bouge, qui s'anime, qui peint,... Pas besoin d'Aphtrodite pour animer Galatée, un petit moteur par-ci, un petit moteur par-là, et verion moderne de Pygmalion, Galatée s'ébroue en automate.
C'est Niki de Saitn-Phalle son épouse qui a beaucoup contribué à la création d'un musée Tinguely à Bâle.
On y trouve toutes sortes de machines, fabriquées au gré des trouvailles abandonnées et assouvissant une folle passion de tout faire bouger. Ça tourne donc, ça grince ; dans tous les sens ; ça pistonne, les rouages s'entremêlent, avec des engrenages bizarres et des mécanismes d'antan qui fonctionnent pourtant, mais sans fonction, à vide, sans utilité, sans nécessité, pour le simple plaisir de fonctionner. Étranges et dérisoires, ces vieilleries sorties des décombres, sauvegardées d'anciens ateliers, reprennent une vie gratuite, simplement jubilatoire, un amusement pour des intelligences fatiguées en mal d'humour, avec un rien de nostalgie et de satire de nos comportements rassasiés de jouissances productives.
L'artiste ne ressuscite pas les objets morts, ils leur donne une autre destination pour ne pas dire un autre destin, bref une autre vie.
J'ai choisi cette installation, je ne sais pas trop pourquoi d'ailleurs, je savais pourtant, au moment de la photographier, ce que je voulais en faire, mais de multiples essais ont amené un peu de découragement. Le projet a dormi quelque temps. Et puis, un jour, c'est devenu conforme à mes idées. Ça ne pose sur rien, pas de sol, pas de plafond ; ça ne bouge évidemment pas et je n'ai pas eu la tentation de le laisser croire ; c'est devenu de rouille et de sang ; j'ai inventé les ombres, un peu vertes comme une promesse de printemps et de renouveau, elles ne se projettent sur aucun mur, seul fruit de l'imaginaire.
Quelqu'un, un jour, autrefois, a bien dû pédaler avec ça, mais qui pourrait chevaucher cet assemblage de bécanes démantelées sinon un clown improbable, un acrobate abracadabrantesque, un cerveau dérisoire, peut-être une sorcière, en mal de sabbat, j'en parlerai à ma voisine.
24/04/2020