Mise au point

J'entretenais une mélancolie de circonstance en pratiquant mon passe-temps favori : la photographie de statues. Les statues présentent des avantages incontestables, elle ne bougent pas, elles se montrent en général sous leur meilleure forme, elles sont d'une patience admirable et ne se plaignent jamais du résultat. J'ai beaucoup plus de mal avec les humains. « Je n'aime pas les photos » vous rétorque celle-ci qui se selfie trois fois par jour, « je suis pas photogénique » vous répond celle-là à qui vous assurez pourtant que vous êtes bon photographe. C'est vrai, je maitrise très mal la lumière du studio, Louis peut le certifier, je me plante systématiquement dans mes réglages et je suis surtout incapable de m'en tenir à un projet. Pire, il m'arrive surtout d'apprécier les travers, les rides, je ne supporte pas le naturel et l'artificiel me répugne. Bref, c'est compliqué.

J'en étais donc là, devant ce buste criant de vérité réaliste, hommage sans doute à un homme célèbre et moustachu, dont l'identité à ce moment là, je l'avoue, m'était complétement indifférente. J'étais là, campé devant, et j'allais faire ma photo. Tout était prêt, j'ai vérifié trois fois mes réglages, le cadrage, la vitesse, le diaphragme, la mise au point... et au moment du clic,... clac, voilà qu'elle pointe son nez.

Je n'ai pas modifié ma mise au point, encore un portrait raté, un flou académiquement inacceptable et pour cette fois, je manque de profondeur.

Du coup j'en ai oublié de regarder qui était cet illustre qui restera inconnu (au moins pour moi, pour vous aussi par voie de conséquence). Mais je sais comment s'appelle la belle floue. J'ai fait une mise au point.

27/04/2020