• Daguerre, las !

     Daguerre, las !

    Daguerre, las !

     Nüremberg - Neues Museum.                 

     

     

    Une de mes œuvres a été exposée au Musée de Nüremberg. Un daguerréotype réalisé sur place avec les moyens du musée, mon épouse a posé. L'exemplaire réalisé est immédiatement exposé. On ne peut pas dire que ce soit la qualité esthétique de l’œuvre qui mérite l'honneur d'une telle exposition. L'image est sans intérêt que ce soit au niveau de la qualité technique ou de la valeur artistique.

     

    Le musée avait mis à disposition un studio, une chambre de prise de vue, un décor, les accessoires indispensables, des éclairages, des ordinateurs, un protocole à respecter et ce gros bouton rouge sur lequel il faut taper du pied pour « enclencher ».. Souci pédagogique tout à fait louable, il s'agissait de montrer qu'à ses débuts, la photographie était un travail délicat, difficile et réservé à des gens aventureux mais expérimentés, il fallait pour réussir du temps, de la patience, du savoir faire et un peu de chance.

     

    Aujourd'hui, il suffit de lever le bras et d'appuyer sur l'écran du smartphone pour mettre en mémoire une image de très bonne qualité. Il y a tant d'images qui courent le monde, les unes poussant les autres si rapidement qu'on n'a plus guère de recul et tout finit par se ressembler.

     

    Le mérite de cette expérience c'est au moins de rappeler qu'il y eut un temps où le simple fait de réaliser une image était en soi, déjà, un événement.

     

    Ce n'est plus le cas aujourd'hui, si les images témoignent des événements, ça reste pourtant bien compliqué de faire d'une image un événement.

     

    Le premier événement de ce genre c'est Adam : image visible d'un original invisible , à l'image même de son créateur, le premier photographe donc et Adam constitue ainsi le premier autoportrait, copie hélas dégradable d'un modèle parfait.

     

    Daguerre réussit, lui, une copie de la copie. L'image qui en résulte est certes beaucoup moins bonne et bien davantage périssable. L'aventure est prestigieuse et mérite sacralisation, d'où l'introduction automatique dans un musée. Ce n'est pas l'image qui importe, beaucoup mériteraient tout simplement la mise au rebut, mais le processus de création. D'autres qui avaient volé des pouvoirs divins, le feu par exemple, ont eu des sorts funestes. Dieu ne semble pas jaloux de Daguerre.

     

    Ce bouton rouge déclencheur rappelle qu'ici tout est faux, trafiqué et fabrique d'illusoire. On peut tout croire sauf que je puisse être Daguerre ou Dieu. Je veux rester modeste tout en abusant de l'exaltation. Et un jour, vous verrez, je réussirai à photographier Dieu. (Brigitte, n'oublie pas de mettre mon Canon dans mon cercueil!)

    Daguerre, las !

    04/05/2020