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Les zélés du Divin
Oreshak, Bulgarie
Méditation bulgare.
J'ai vu récemment une fresque sur les murs de l'église orthodoxe de Troyan en Bulgarie ; elle montre le saint patron du lieu emporté au ciel sur un char tiré par un attelage de zélés chevaux ailés.
J'espère qu' à mes derniers instants sur cette terre j'entendrai les chevaux, parés pour l'attelage, piaffer devant ma porte, impatients d'emporter ma part du divin vers le Divin. Cette pensée m'a réconcilié avec la nécessité de la mort qui se précise inexorablement.
Pour le moment j’habite encore cet être de chair que je sens chaque jour davantage s'épuiser. Je suis partagé entre la colère et la résignation : colère-révolte de ne plus pouvoir faire ce que je veux, non pas courir et folâtrer dans les prairies en fleurs, mais bien plus simplement ouvrir un pot de confiture, dévisser un bouchon, monter ou descendre facilement les quelques marches d'un escalier ; résignation-détachemment pour se donner le temps que méritent les senteurs du jardin, le parfum tenace du buis, les envoûtantes délicatesses de la rose, le temps qu'il faut pour réfléchir et acquérir la véritable sagesse que connaissent seulement les vieillards qui savent en fait la futilité de l'existence. Mon corps est las mais mon esprit fatigue moins vite, quoique les mots commencent à manquer et que deviennent de plus en plus sombres les trous dans la mémoire.
Mais maintenant, je vois poindre un aurore nouvelle qui ne devrait pas connaître de couchant, j'invente l'éternité, je l'accueille. Et si couchant il y a, ce sera à la manière du soleil qui se noie dans la mer, la fusion de l'éternité et de l'immensité. Les anges préparent le cortège pour me recevoir dignement, la lumière éclabousse leurs ailes, quand les chevaux henniront à nouveau, j'embarquerai... que soit la lumière !
09/10/2021