• Passer le cap.

     

    Passer le cap

     

    Passer le cap.

     

    Tombeau de Vasco de Gama - monastère des Hiéronymites – Lisbonne.      

     

    Vasco de Gama est mort du paludisme en1524. Il est le premier navigateur Européen à arriver aux Indes en 1498 par voie maritime en contournant le cap de Bonne-Espérance.

     Ces pieds là ont parcouru le monde, exploré l'inconnu ; des pieds d'aventurier.

     C'est tout ce que j'ai gardé du tombeau très ouvragé, de style manuélin : les pieds et ce bout de corde tressée qui rappelle le fil de la vie : le cordon ombilical, les liens qui tissent l'existence, les voiles que l'on tend en évitant d'être pris dans la balancine et de larguer les dernières amarres.

     Au XV° siècles les navigateurs font surtout du commerce vers les côtes d'Afrique : or, esclaves, ivoire, gomme, maniguette. Ce qui les amène à doubler le Cap de Bonne-Espérance, en 1487. L'Inde est possible alors, on change de registre : épices, pierres précieuses, textile et riz. Politiquement, économiquement, on peut rivaliser avec Venise.

     8 juillet 1497, quatre navires, des caravelles bien sûr, 200 hommes ; le soir, le Tage n'est déjà plus qu'un souvenir. Il faut vaincre la dysenterie, le scorbut et les courants capricieux. Mais le 21 mai 1498 (je suis très sensible au 21 mai) il aborde à Calicut. L'entreprise commerciale est un échec, il n'a à échanger que des pots de chambre et des chapeaux mais l'aventure construit et développe sa légende.

     Sa vie aventureuse se termine là, les deux pieds bottés de marbre.

     Après une vie trépidante, de défis, de combats, de galères, il goutte enfin au bonheur, si j'en crois Pascal puisque « tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre. »

     

    On ne va quand même pas en faire la 9° béatitude :

     Heureux les confinés, ils n'auront jamais mal aux pieds.

     

     Si de rester chez soi peut éviter bien des malheurs, il n'est pas évident que ce soit la recette assurée du bonheur. Les prisonniers libérés ces derniers temps pour résorber l'engorgement des prisons en savent quelque chose. Les malades des hôpitaux qui doivent garder la chambre ne sautent pas de joie.

     La notion de chambre a pourtant bien changé, l'écran posé sur mon bureau est une fenêtre ouverte où je convie le monde, il y vient et je le parcours. Mon clavier me sert de caravelle, et je navigue vers les Indes d'un clic et sans voiles.

     Malherbe, pratiquement 100 ans avant Pascal rappelait que nul n'est à l'abri

     « La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ...
    Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre,
    Est sujet à ses lois ;
    Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
    N'en défend point nos rois. »

     

     Il reste à passer le pic sinon le cap et il est préférable qu'il soit de bonne espérance.

    21/04/2020