• L'aigle et le lapin.

     

    L'aigle et le lapin.

     

    portail de Saint Marc – Venise.                          

     

     

    Comment choisir de dire le plus ou bien de dire le moins ?

     Peut-on garder de Venise ce simple détail du portail de Saint Marc et n'en pas faire un film ou un roman ? Un simple fait divers dans un journal devient « le rouge et le noir ». J'ai pourtant choisi ce détail du lapin surpris par le rapace ; la raison en est toute bête (si je puis me permettre), c'est à cause d'Esope et de La Fontaine.

     

    Esope en quelques lignes raconte l'histoire de l'Escarbot qui se venge de l'aigle qui mange son ami le lapin. Il lui casse les œufs.

     En 1668, La Fontaine avait brillamment enjolivé la scène, pas moins de 54 vers

            L’Aigle donnait la chasse à Maître Jean Lapin,
          Qui droit à son terrier s’enfuyait au plus vite.
          Le trou de l’Escarbot se rencontre en chemin :
          Je laisse à penser si ce gîte
          Était sûr ; mais où mieux ? Jean Lapin s’y blottit.
          L’Aigle fondant sur lui nonobstant cet asile,
          L’Escarbot intercède et dit :
          « Princesse des Oiseaux, il vous est fort facile
          D’enlever malgré moi ce pauvre malheureux ;
          Mais ne me faites pas cet affront, je vous prie...

     La suite est sur : https://www.chine-nouvelle.com/chine/insolite/2008-07-11-aigle-lapin.html

     En 1678, Benserade réduit le tout en un quatrain

     L'aigle prit le lapin, l'escarbot son compère

     Intercéda pour lui, touché de sa misère

     L'aigle ne laissa pas pourtant de le manger,

     L'autre cassa les œufs afin de s'en venger.

     
    On n'a guère l'habitude de s'attarder sur une photo. Lire prend plus de temps que regarder, tout n'est pas donné d'un coup, il faut réussir « la chute », la faire désirer et surprendre encore. Les grands héros finissent en beauté, on collectionne les phrases recueillies pieusement sur les lits mortuaires.

     Certains n'ont pas hésité à mettre en scène leurs derniers instants. Je me souviens de Maurice Chevit, attachant comédien ; tous ses amis, tout le monde du théâtre et du cinéma, la télévision voulurent célébrer l'homme qui se retirait ; il fit bien sûr son discours d'adieux, très émouvant, il le termina de façon discrètement géniale : « je suis si ému que vous m'avez fait oublier ma chute ».

     Je n'en ai pas d'autre aujourd'hui.

    12/05/2020