Paris, La Défense. Analyse d’un photomontage / France Photographie.
Contiguïté d’un cimetière et de bâtiments de facture contemporaine ; atmosphère d’apocalypse. Bien composée, d’un choix esthétique contrôlé, la photo touche avec un propos servi par un artifice un peu usé. Mais pourquoi s’en tenir à cette impression ?
La superposition de deux clichés crée un quartier de la Défense improbable et densifié. Les angles de prise de vue sont frontaux, neutres. Cet agglomérat minéral frappe par la matité des surfaces, sans reflets, ou du moins sans reflets lus comme tels. L’illusion que connote habituellement un miroir serait-elle ici remplacée par l’irréalité que suggèrent des plans diaphanes ? L’auteur crée en effet des jeux de transparences dans les immeubles, artifice fortement souligné par l’inclusion de nuages, improbables eux aussi et par essence de nature confuse et mal définie. Quid alors de la nature du quartier des affaires décrit ?
Les tours semblent naître du cimetière. Une promenade sans promeneurs, sauf quelques fantômes, aboutit à un horizon barré. Une enceinte paraît cerner le dernier asile. Protection ? Appropriation ? Une impression de vide, de non humanité, d’abandon se dégage.
Le travail sur la couleur ne laisse place à aucune fantaisie chromatique. Les camaïeux de bleus et de roux dominent, avec le blanc. Des verts subsistent. Les noirs sont conservés. Les bleus se parent d’une lumière de nuit, mais retrouvent aussi leur froideur et leur immatérialité natives, se mutant en couleur de mort. Proximité des sépultures oblige ? Celles-ci s’affirment par leur blancheur que souligne le noir de leurs ombres ; des bruns les réchauffent. L’arche domine et bloque la scène, avec des teintes rousses propres aux univers chthoniens.
A la verticalité des tours s’oppose l’horizontalité des tombes. L’ascension s’oppose à l’immobilité, le confus au net, l’éphémère au permanent, le glacial au tempéré. Unique similarité entre les deux mondes, une similarité de formes : les rectangles des tombes et ceux des vitres ternes constellent l’image. Où seule la mort semble être un élément de vie. Alors, comment interpréter la multitude d’indices et de signes de cette vision ? Ils taisent leurs interconnections. Aucune métonymie possible ou appelée ne se livre. Mystère.
Bernard KUHN
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